Hier matin, Europe 1 s'inquiétait du déficit abyssal de notre commerce extérieur. Un expert traçait les limites d'une économie trop centrée autour d'une stratégie de développement de la consommation. L'animateur expliquait que nous ne pourrons acheter indéfiniment des biens asiatiques, des voitures allemandes et des pommes sud-africaines, sans rien produire en retour. En clair, nous devons ré-industrialiser notre pays et regagner en compétitivité.
La conclusion de cette brillante analyse m'a laissé perplexe. Re-industrialiser... Avec quoi ? Et comment ?
Nos médias, tout comme nos politiques appellent au renouveau du travail et de l'industrie. Malheureusement, ni les uns, ni les autres n'expriment concrètement les grands axes technologiques qui doivent supporter cette ambition. En lieu et place d'un programme clair, il nous est proposé de nouvelles solutions fiscales et réformes sociales qui sont supposées solutionner notre marasme actuel... Aucun des candidats en lice n'incrimine l'apathie technologique de nos grandes entreprises nationales, et pour cause !
Energie : Nombre d'experts, dont Nicolas Hulot, préconisent l'évolution de notre modèle énergétique oligopolistique vers un autre privilégiant une génération de proximité voire individuelle. Comment annoncer à EDF ou à ses conccurents que laisser se développer cette alternative mettra certainement fin à leur hégémonie ? Que dire à GDF/Suez que l'enjeu même de leur fusion pourrait leur échapper ?
Transports : Jusqu'ici, notre principal axe de développement du territoire s'est concentré sur une vision "tout route". La crise énergétique, les conséquences climatiques rendent nécessaires une redéfinition de nos modes de transports et de notre manière de les utiliser. Comment expliquer à Renault, à PSA, que leur vision automobile est désormais dépassée ? Qu'ils devront s'adapter ou laisser la place à de nouvelles entreprises ?
Airbus industrie s'épuise à concevoir des appareils déjà obsolètes avant leur commercialisation. La situation est à ce point dramatique que les sites de Hambourg et de Toulouse en sont réduits à se déchirer les lambeaux industriels de l'A320 ! Areva se vante de fabriquer des centrales nucléaires ne dépassant pas les 35 % d'efficacité énergétique. Cette société nous assure que les nouveaux EPR friseront les... 40 % ! La SNCF se félicite d'un TGV qui ne peut de toutes façons pas constituer une solution durable au problème des déplacements pan-européens tant le coût infrastructurel de ce sytème atteint des sommets !
La collusion d'intérêts entre le monde industriel et le monde politique n'est plus à prouver. Jouer la carte d'une renaissance industrielle signifie une remise en cause totale des "privilèges" accordés à cette "néo-noblesse" désormais plus affairiste qu'entrepreuneuriale. Aujoud'hui, nous ne savons pas si nos candidats à la présidentielle auront le courage d'éconduire de si puissants "amis" et de déclencher une véritable révolution de palais.
Il est grand temps que nos entreprises soient jugées plus sur leur valeur sociétale que sur la rentabilité de leur titres boursiers. A ce jour toute initiative majeure de nature à faire évoluer en profondeur notre société est fraichement accueillie quand elle n'est pas purement et simplement sacrifiée sur l'autel du CAC 40. De la même manière que nous avons considéré le cinéma comme un loisir passager, l'électricité ou la vapeur comme des distractions sans intérêt, nos élites actuelles repoussent d'un revers de main tout ce qui viendrait perturber les équilibres établis entre gouvernements et grandes entreprises. La situation est telle que nous risquons bien de rater une fois de plus la prochaine révolution industrielle !
Et pendant ce temps, le peuple souffre...
Jusqu'à quand ?
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